SFAP 2014 : « À la croisée des tensions : du mouvement des soins palliatifs aux soins palliatifs en mouvement “
Jean-Pierre Lebrun, psychanalyste de Namur, nous a rappelé des notions essentielles de ce qui caractérise l’humain. Car c’est quoi l’humain ? L’homme est le seul animal qui parle, qui a la faculté d’évoluer dans les trois champs du réel, de l’imaginaire et du symbolique.
Le trou dans l’Être
Mais si le bébé immature découvre le monde, le réel, immergé dans le bain du langage, il est confronté en même temps et définitivement à l’incapacité de dire vraiment ce qu’il ressent (expérience du continu dans le vécu) par le discours (marqué par le discontinu). Si bien que les mots ratent toujours leurs cibles. Le mot ne sera jamais la chose, même s’il la représente. Cet échec de la capacité de dire creuse « un trou dedans » qu’il nous faudra border en permanence par d’incessantes tentatives de trouver les mots pour dire vrai. Le langage est ici à prendre dans le sens large de tout ce qui fait signe (verbal et extra-verbal, champ du symbolique constitutif de l’humain).
Les mots font la singularité du sujet. Or la médecine scientifique actuelle ne prête plus attention à la parole du malade. Le docteur Knock savait bien, lui, qu’il est important d’entendre si « ça chatouille ou si ça grattouille ». Le médecin moderne qui retient froidement « prurit » a évacué le malade en tant que personne. Il est important aussi de redonner aux soignants et aux accompagnants accès à leur propre parole. C’est dans la parole collective, dans la singularité des mots (ou des signes) de chacun que peut se faire la rencontre. « On lie les bœufs par les cornes, les hommes par la parole ». L’intensification puissante et à tendance mortifère du discours scientifique médical nous oblige à faire ce travail constant de réhumanisation.
Ce « trou dedans » a été largement nourri et bordé pendant ce congrès par les interventions dans les plénières et les ateliers, par les échanges plus informels entre nous. Et que dire du feu d’artifice de mots, de gestes, de musique, offert par Eric Fiat lors de la clôture du congrès ? Il nous a fait vivre ce que ressentent les loups puissants ou misérables chez La Fontaine, les désirs et les effrois face à la mort dans « La Mort et le malheureux » et « La Mort et le mourant » du même auteur, les peurs et les espérances de la Belle et de la Bête, magnifiquement évoquées par la musique de Ravel (Les entretiens de la Belle et de la Bête). Lorsque la Belle accepte de se confronter à l’horrible de la Bête et le voit se transformer en beau Prince, la rencontre humaine surgit. Eric Fiat nous a souhaité de faire vivre cette magie dans nos accompagnements, d’assumer ainsi les « grandeurs et misères du conflit en fin de vie ».
Brigitte