Ce 23e congrès fut chaud, très chaud : 39° dans l’ombre de Tours et dans la belle lumière de la Loire. Nous étions logés (bien au chaud aussi) en face du Grand Théâtre, dans une ancienne auberge qui accueillit en son temps Balzac enfant, là même où il aurait appris à lire et à écrire. Émouvant, car qui mieux que lui a su nommer, décrire et comprendre les comportements humains et les mouvements secrets de l’âme.
Il a d’ailleurs été beaucoup question de récits pendant ce congrès.
Emmanuel Gyan, médecin, a érigé en méthode de travail, lors du staff, l’exigence première de répondre à cette question « Que raconte le patient ? ». Chaque acteur de l’équipe a quelque chose à en dire et ce avant toutes considérations purement médicales. Cette compétence revendiquée est une ouverture à la bienveillance qui reste un combat. Il est si facile de faire vite, efficace suivant la logique comptable ! Les récits cliniques sont des interpellations sur ce qui ne va pas, pour le soigné, pour le soignant. Toutes les dernières études valident la pertinence de la démarche relationnelle dans la survie du patient.
Le domicile, la maison racontent de même la singularité de la culture familiale. Dans l’atelier « Spécificité des Soins Palliatifs à domicile » deux psychologues Camille Baussant-Crenn et Anne Grinevald ont évoqué notre intervention dans « cette bulle de protection imaginaire qui garde des regards extérieurs ». Comment penser alors la préservation de l’intimité tout en la partageant ? L’histoire et la mémoire familiales sont matérialisées et même scénarisées dans la maison, dans ce qui se montre et ce qui se cache. Le domicile accueille l’indicible, l’invisible ailleurs. Ce que je perçois me traverse. Pourtant quelle part d’exposition involontaire et de désir de montrer ? C’est dans ce « jeu » que l’estime de soi se crée et résiste à l’intrusion de la maladie dans le chez soi. Nous devons nous laisser inviter, nous laisser assigner à une place. Ce sont les modalités du cadre que l’on nous accorde qui engagent la rencontre.
L’écoute dans une juste posture permettra à la personne accompagnée et à son entourage de dire, de raconter ce qui est pertinent pour eux-mêmes. Ne pas oublier que dans une parole simple, autour d’un café parfois, se délie une pensée complexe. (Winnicott).
En clôture de ce congrès il ressort que les Soins Palliatifs seraient maintenant sur les rails en institution. L’idée que le curatif s’oppose au palliatif paraît dépassée, du moins en théorie. La recommandation de mettre en place les Soins Palliatifs au moment du diagnostic se concrétise en attendant de se généraliser.
Les Soins Palliatifs à domicile restent cependant un champ d’explorations qui convoque de nombreuses disciplines et intervenants. Mais ils ne doivent pas être un empilement de prescriptions qui ne font pas sens pour la personne accompagnée. De même que le bénévolat doit se penser non pas dans l’opposition Faire/Être mais dans la singularité de ce qui se joue à deux, de ce qui prend une signification dans le récit de l’histoire passée et présente de la personne, dans « notre capacité à reporter sur l’autre notre désir de vivre » Paul Ricœur.
La « Comédie humaine » nous met ensemble, soigné, soignant, bénévole dans le même théâtre de la vie tumultueuse, « pleine de bruit et de fureur » comme disait un autre grand auteur. Mais contrairement à ce que pensait Shakespeare la démarche des Soins Palliatifs permet que cette histoire, dans le partage de la relation, signifie beaucoup. C’est ce partage qui nous tient vivants jusqu’au bout.
Brigitte