Elle était très fatiguée et m’a parlé, parlé, beaucoup parlé. Puis elle s’est tue.
— Vous êtes fatiguée. Vous voulez vous reposer ? Voulez-vous que je parte maintenant ?
Elle m’a dit oui et m’a tendu la main. Je l’ai prise. Mais ma main était froide et je l’ai vite retirée.
— Je suis désolée, ma main est si froide.
— Non, laissez-la. Je vais vous réchauffer. Pour une fois que je peux encore rendre service.
La maladie lui a enlevé l’usage de ses jambes. Ses mains ne veulent pas toujours lui répondre. Mais elle fait du coloriage sur des carnets dont les modèles représentent des monuments du monde entier. Là, nous sommes au Japon. C’est très beau mais elle trouve les couleurs un peu ternes. Elle veut apporter de la gaieté : « C’est bien de mettre des couleurs, dans la vie ». Et elle me parle de son regret de ne pas avoir appris à peindre. Elle s’est exercée seule. Elle a peint à l’huile. Elle a quelque chose à laisser, une part de bonheur.
Nous sommes interrompues par l’arrivée de la coiffeuse. Revenez me voir, me dit-elle. On mettra de la couleur.
Michèle Dautriche