À l’occasion de la Journée mondiale de Soins palliatifs, l’ASPEC a organisé, pour la deuxième année consécutive, une soirée cinéma suivie d’un débat avec le public. L’année dernière, elle avait eu lieu à Caen avec le film « Ma Compagne de nuit », cette année l’association avait choisi « Les Yeux ouverts » de Frédéric Chaudier. La soirée s’est déroulée à Villers-sur-Mer le 13 octobre, avec l’appui de l’équipe des bénévoles de la Côte Fleurie. L’association JALMALV (Jusqu’à la mort accompagner la vie) participait également à cette manifestation.
Daniel Palavioux, trésorier de l’ASPEC, après avoir accueilli et remercié le public et les partenaires de la soirée, fait un rapide exposé sur l’association avant la projection du documentaire.
Le sujet ? Retour du réalisateur un an après la fin de vie de son père sur les lieux où il l’a accompagné des mois durant : la Maison médicale Jeanne Garnier à Paris.
Le Dr Pierre Delassus, qui animait le débat, précise dès le début des échanges combien la Maison Jeanne Garnier est atypique : endroit un peu « idéalisant », pas forcément le reflet des services où les personnes atteintes de maladie grave ou en fin de vie sont soignées et accompagnées.
Après une description des différents lieux et dispositifs concernant la fin de vie en France : USP (Unités de soins palliatifs), EMSP (Équipes mobiles de soins palliatifs), ÉHPAD (Établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes), lits identifiés répartis dans les services, domicile, le Dr Delassus présente l’organisation de notre département et les moyens les plus adaptés pour développer la « culture des soins palliatifs ». Une précision sur les USP : elles regroupent peu de lits, s’adressent à des cas complexes, pour une durée limitée. Dans le Calvados, la 1re Unité régionale de Soins palliatifs « Maurice Abiven » se situe à Hérouville-Saint-Clair, une 2e va ouvrir à Falaise.
Viennent ensuite les points forts de la loi de 2005, dite « loi Leonetti », relative aux droits des malades et à la fin de vie, votée à l’unanimité. Elle comportait trois obligations (soulager la souffrance globale, respecter la volonté des patients et développer les soins palliatifs en France) et deux interdits (provoquer intentionnellement la mort et pratiquer « l’acharnement thérapeutique », qu’on appelle le plus souvent aujourd’hui « obstination déraisonnable »). La loi de 2005 a été suivie en 2016 de la loi Claeys-Leonetti, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. En particulier le droit à une « sédation profonde et continue jusqu’au décès » qui peut être mise en œuvre dans des cas précis. Le Dr Delassus a fait à chaque fois le lien avec les différents cas présentés dans le film.
Une question du public a porté sur la fin de vie dans les ÉHPAD et la difficulté qu’entraine le maintien dans ces établissements avec une prise en charge adaptée quand approche l’heure de la mort. La réponse réside dans la nécessité d’augmenter encore les moyens en personnel et la formation des équipes en place.
Une infirmière de Caen aborde la complexité ayant trait aux « directives anticipées »(1) [1]
, déjà présentes dans la loi de 2005 et qui deviennent « contraignantes et illimitées » dans la loi de 2016. Elles ont pour but d’indiquer les souhaits concernant notre propre fin de vie. Sauf dans les cas particuliers de maladies neurodégénératives où l’on connaît l’évolution, elles sont la plupart du temps rédigées par des bien-portants qui peuvent difficilement se projeter dans une situation future inconnue. Comment savoir ce que nous souhaiterions réellement à ce moment-là ? Cette difficulté peut même aller jusqu’à l’« inconcevable » précise l’infirmière qui a soulevé cette question délicate.
Les bénévoles apparaissent peu dans le film. Une question est posée sur leur action dans notre département. Marie-Thérèse Heurtaux, présidente de l’ASPEC, explique qu’elle a lieu dans le cadre de conventions et à la demande des équipes. Elle précise les éléments concernant le recrutement, la formation, et notre rôle qui consiste en une présence et une écoute auprès des patients, mais aussi des familles. La présidente de l’association JALMALV indique les structures dans lesquelles les bénévoles interviennent à Lisieux et St Pierre-sur-Dives.
Annette Ségard, coordinatrice de l’équipe de l’ASPEC de la Côte Fleurie, confirme pour le centre hospitalier de Cricquebœuf et l’ÉHPAD du Mont Joly à Trouville-sur-Mer, la présence des bénévoles une fois par semaine.
Marie-Paule Bailliot, membre du Conseil d’administration, ancienne Présidente de l’ASPEC, demande que l’on rappelle ce qu’est la « personne de confiance ». Il s’agit de la personne choisie par le patient pour le représenter au cas où il ne serait plus en capacité de s’exprimer (droit inscrit dans la loi depuis 2002). Elle peut être un proche, son conjoint, mais aussi son médecin traitant ou autre personne de son choix.
La soirée s’achève sur la mise en garde, dans un contexte où les lois sont encore insuffisamment connues, contre une certaine pression sociale et médiatique, le plus souvent orientée vers l’euthanasie. Dans des cas particulièrement difficiles, douloureux, il est regrettable de présenter l’euthanasie comme unique solution. Le mouvement des soins palliatifs propose une autre voie. Non pas un « laisser mourir », mais une prise en charge et un accompagnement jusqu’au bout de la vie, le plus adaptés possibles à chaque patient et s’appuyant sur une réflexion collégiale.
L’euthanasie a été dépénalisée en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg, ainsi qu’au Canada. Le « suicide assisté » diffère du fait qu’il consiste à donner au patient les moyens de se donner la mort, il est autorisé en Suisse, et dans certains États des USA. Peu de pays ont fait ces choix. L’euthanasie est un « acte violent qui entraine de la culpabilité et ne peut laisser indemne » dit le Dr Delassus qui conclut en nous invitant à « lutter farouchement contre la dépénalisation » de cette pratique. Un fil rouge pour notre engagement.
Isabelle