Nous étions 7 bénévoles à rallier Marseille pour ce congrès sur le thème « Désir et désirs ».
Marieté et moi avons eu en prologue, à Orly, une petite leçon pratique sur le désir. « On désire parce qu’on éprouve un manque, manque de l’objet qui viendrait combler ce manque ». Agata Zielinski. Nous, il nous manquait …un avion, notre vol avait été annulé à la dernière minute ! Alors désir exacerbé d’aller à Marseille en temps et en heure ! Finalement nous sommes arrivées avec 3 heures de retard. Au manque, a succédé la frustration : pas de petite soirée sur le Vieux Port avec Dominique, Marie-Paule, Daniel et Annette qui avaient sagement pris le temps de musarder pour descendre sur les bords méditerranéens. Ils étaient donc là.
Le lendemain matin nous avons rejoint les 2400 participants du 24ème congrès de la SFAP sous le grand soleil de l’été marseillais.
Voici un petit résumé très résumé de quelques interventions qui m’ont particulièrement touchée sur de thème du désir.
Désirs d’avenir : les soins palliatifs sont-ils solubles dans la technique ?
Pierre Moulin, maître de conférence à Metz a ouvert les débats avec la constatation que « faire société avec les mourants » est un projet politique. Il faut retrouver une éthique de la sollicitude, soutenir le désir de vie en fin de vie et reconnaître la subjectivité de tous les acteurs (patient, soignants, famille, bénévoles) ainsi que leur intersubjectivité. Il y a désormais normalisation et institutionnalisation des soins palliatifs mais il y a encore échec à changer le regard de la société sur la fin de vie.
Poros, Pénia et Eros en voyage d’hiver
(petit rappel : Eros dieu du désir et de l’amour est fils de Poros dieu de l’opulence et de Pénia déesse du manque et de la pauvreté).
Avec Schubert et « Le voyage d’hiver », Éric Fiat s’est interrogé : le dernier voyage serait-il celui de la mort du désir, d’être mort avant de mourir comme l’arbre en hiver ? Avant que la sève ne revienne ?
« Une main nue est venue prendre la mienne » Aragon. L’accompagnement pourrait permettre encore une promenade, entre marche forcée (protocoles des soins) et errance (désordre du désir). Comment rester, avec les possibles qui se réduisent à peau de chagrin, un « océanographe des flaques » ?
Menace de mort et relance désirante
Jérôme Almaric, psychologue, a rappelé que la dynamique subjective de l’être désirant permet d’équilibrer la pulsion de survie d’Éros et la pulsion de destruction de Thanatos. Il évoque cette personne malade qui veut en finir, se jeter d’un pont : une jambe passe le parapet, l’autre reste sur le pont. Comment mieux illustrer l’ambivalence de notre position face à l’annonce de la mort ? Au moment du diagnostic il y a sidération traumatique mais Éros veille et résiste.
« Le dur désir de durer » Éluard.
Si l’homme sait qu’il va mourir, le sujet se veut, se vit immortel. Sa propre mort est irreprésentable, inconcevable. L’accompagnement, par la rencontre de l’Autre, peut remobiliser la pulsion de vie, soutenir l’imaginaire, voiler le réel trop envahissant et permettre à la pensée de reprendre son cours.
Le congrès s’est achevé sur la lecture magnifique donnée par Ariane Ascaride (présente pour cette dernière plénière) d’un extrait du beau livre de Françoise Héritier « Le sel de la vie ». L’auteure y énumère ces « moments fugitifs de grâce » qui font l’irréductible de « notre trésor intime ». S’il est singulier, propre à chacun de nous, il est aussi universel.
« Dormir étalé sur le dos »
« Humer l’odeur des croissants chauds dans la rue »
« Se tenir par la main » ….
Liste infinie de tous ces petits plaisirs, de ces désirs, de ces encore possibles qui gardent présent le goût de la vie, jusqu’au bout.
Brigitte Écobichon