Une conférence du Professeur Régis Aubry au Centre Baclesse
Nous étions un groupe de bénévoles de l’Aspec à suivre cette conférence. Merci à Dominique de nous en faire un compte-rendu. L’apparition dans le droit français de la sédation profonde crée une situation nouvelle qui pose beaucoup de questions. Après quelques constatations préliminaires, le Professeur AUBRY nous a proposé quelques axes de réflexion avant de laisser place aux échanges avec les participants.
Avouer “on ne sait pas” permet un dialogue
Nous constatons en France une médicalisation de la fin de vie (On meurt dans 60% des cas à l’hôpital pour 20% au domicile et 20% en EHPAD, en Suède c’est à l’inverse 60% au domicile). La fin de vie est de moins en moins un événement social.
Les progrès médicaux incontestables génèrent des situations complexes (situations de souffrance non prévues).
Notre société observe une forte poussée de la conception de l’autonomie : « … moi individu, je peux décider ce qui est bon pour moi » quid de l’expérience clinique ?
Dans le programme du dernier quinquennat figurait « une incitation à réfléchir sur la médicalisation de la fin de vie », mais dans un contexte de tendance forte à la dépénalisation de l’euthanasie, le législateur a fait avancer le sujet sans pour autant résoudre tous les problèmes.
En effet la loi prévoit « … à la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir l’obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience… »
- L’approche collégiale : On peut s’interroger sur les mésusages que l’on peut faire de la loi. On ne peut pas se réfugier derrière la loi au risque de ne pas apporter une réponse éthique à une demande de sédation. Toute demande de sédation doit faire l’objet d’une procédure collégiale.
- La souffrance des soignants : celle que provoque la pratique de la sédation au regard de l’éthique des soignants.
- La communication : qu’est-ce qui provoque la demande du patient ? La souffrance morale ? Elle peut avoir pour origine une représentation fausse (apocalyptique) de la fin de vie. D’où l’importance d’en parler. Les faux espoirs empêchent la communication. Quand on dit « on ne sait pas » on ouvre le dialogue.
- La recherche en neuroscience sur l’appréhension de la souffrance : on nous a mis entre les mains quelque chose que l’on ne maîtrise pas. La sédation profonde a pour objet de « supprimer toute souffrance », mais aujourd’hui si la sédation profonde arrête les manifestations de souffrance chez le patient sédaté, il reste difficile d’affirmer que du même coup la souffrance, elle, soit supprimée aussi. On ne sait pas si la sédation traite la souffrance psychique.
De nombreuses interventions des participants ont permis de clore ce débat, relevant
- La souffrance des soignants par le caractère particulier de la mise en place de la sédation profonde à domicile ou en EHPAD et notamment la forme que prend cette mise en place quand il n’y a pas d’urgence.
- Quel rôle de l’accompagnement des bénévoles dans la sédation profonde ? (Merci Antoine) : essentiel pour le Professeur AUBRY, car on n’abandonne pas le patient lors de la sédation.
Ce débat a été suivi d’un cocktail pour célébrer les 10 ans du service de soins palliatifs et les 20 ans de l’équipe mobile de soins palliatifs du Centre.
Le Professeur Aubry est :
- Responsable du département douleur soins palliatifs du CHU du Besançon
- Chargé de mission au ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur pour la mise en œuvre de l’axe formation recherche du plan soins palliatifs
- Directeur de l’espace de réflexion éthique Bourgogne Franche-Comté
- Membre du comité consultatif national d’éthique.
Merci au Docteur Marie Christine GRACH, pour nous avoir invités à ce débat.
Dominique