Mardi, 14 h 15, je suis dans le service. Je rentre dans la chambre au bout du couloir.
La jeune femme qui est là, assise dans son lit, m’accueille tranquillement. À ma proposition de rester un peu de temps avec elle, elle acquiesce mais me demande de revenir un peu plus tard. Elle doit se faire des soins de bouche.
Lorsque je reviens, elle me sourit. Son visage est rond, plein, avenant mais sa peau et ses yeux sont jaunes. Nous échangeons quelques mots à propos de son téléphone posé à côté d’elle sur le drap. Elle me dit « je suis céramiste, je regardais les photos de mes pièces. » Puis rapidement elle ajoute « Je suis en phase terminale. J’ai refait une dernière chimio. Tout le monde m’y a poussé. C’est dur… »
« Mais j’ai une histoire compliquée, j’ai dû fuir avec mes fils mon mari qui était violent. J’étais sous emprise, je ne m’en rendais pas compte. »
Nous échangeons beaucoup avec le regard qu’elle a si présent !
Elle poursuit : « Il fallait que je tienne encore un peu pour protéger juridiquement mes fils de leur père. C’est fait, je suis tranquille. »
Son art de céramiste
Puis elle évoque à nouveau son art de céramiste. C’est un grand regret car son mari a toujours dévalorisé ses œuvres et maintenant elle s’aperçoit qu’elles étaient belles, elle en a vendu à Paris, elle ne pourra plus en créer. Son regard s’attriste. J’allais lui demander de me montrer les photos de ses céramiques quand un grand jeune homme entre. C’est son frère.
Je me lève, lui dit au revoir (je sens d’emblée qu’il faut les laisser seuls, le temps leur est compté, son énergie à elle aussi). Je lui souris, elle me rend ce sourire…
Je ne sais si cet échange aura ouvert pour elle une petite fenêtre dans sa journée.
Pour moi je ne peux cacher à quel point elle m’a impressionnée. J’ai pensé à toutes ces belles créations qui ne verront jamais le jour.
Cependant, j’étais là avec elle ; nous étions deux femmes ensemble. Elle parlait de sa vie….
Brigitte